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La semaine du droit des entreprises en difficulté

Affaires - Commercial
22/06/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des entreprises en difficulté, la semaine du 15 juin 2020.
Procédure collective – activité professionnelle – dette – caractère exigible
« Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 septembre 2018), MM. R. et G. X, assignés à cette fin par Mme Y, épouse Z, ont été mis en redressement judiciaire, M. A étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.
 
En premier lieu, il résulte, d’une part, des dispositions de l'article L. 711-3 du Code de la consommation que le dispositif de traitement des situations de surendettement prévu par ce même Code n'est pas applicable lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce et, d'autre part, de l'article L. 631-2 de ce dernier Code, que la procédure de redressement judiciaire est applicable, notamment, à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant la nature de l'endettement invoqué.
L’arrêt constate que la société que MM. R. et G. X indiquent avoir constituée pour exercer leur activité professionnelle n’étant pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés, il n’est pas établi que ces deux avocats ont effectivement cessé leur activité à titre individuel, ce dont il résulte qu’il est indifférent que la créance de Mme Z soit dépourvue de lien avec l’activité professionnelle de MM. X.
Ainsi, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que MM. X relèvent, chacun, d’une procédure collective instituée par le Code de commerce.
 
En second lieu, si, aux termes des articles R. 631-2, alinéa 2, et R. 640-1, alinéa 2, du Code de commerce la demande d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire formée par un créancier est, à peine d’irrecevabilité, exclusive de toute autre demande, à l’exception d’une demande subsidiaire d’ouverture d’une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire, ces textes n’interdisent toutefois pas au créancier poursuivant de présenter, en outre, une demande de remboursement de frais hors dépens en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
En conséquence, la demande étant recevable, l’arrêt n’encourt pas le grief du moyen.
 
En troisième lieu, la cour d’appel, après avoir caractérisé l’ancienneté de la dette des consorts X, constatée par un arrêt du 22 novembre 2005, et le fait que ceux-ci n’en contestent pas le caractère exigible, a énuméré les multiples et diverses voies d’exécution vainement exercées, tant sur des biens que sur des créances, par Mme Z, depuis 2007, pour recouvrer sa créance. Ayant ainsi fait ressortir l'impossibilité pour MM. X de faire face à leur passif exigible avec leur actif disponible, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ».
Cass. com.,17 juin. 2020, n° 19-10.464, P+B *
 
 
Liquidation judiciaire – insuffisance d’actif – dirigeant – faute
« Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 octobre 2017), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 18 janvier 2017, pourvoi n° 14-24.314), la société Valparaiso a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 30 septembre 2009, qui a fixé la date de la cessation des paiements au 15 juillet 2009. La procédure a été convertie en liquidation le 20 janvier 2010.
Le liquidateur a assigné M. X, directeur général délégué de la société, en paiement de l’insuffisance d’actif.
 
Vu l’article L. 651-2 du Code de commerce :
Le jugement qui condamne le dirigeant d’une personne morale à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif de celle-ci doit préciser en quoi chaque faute retenue a contribué à l’insuffisance d’actif.
Pour retenir la responsabilité de M. X, l’arrêt relève que la déclaration de cessation des paiements du 21 septembre 2009 était tardive au regard de la date de cessation des paiements fixée par le jugement d’ouverture au 15 juillet précédent. Il retient ensuite que cette faute a contribué à accroître l’insuffisance d’actif résultant d’une augmentation considérable du passif pendant la période du 15 juillet au 21 juillet 2009.
En statuant ainsi, alors que la faute de M. X n’ayant pu exister avant l’expiration du délai de quarante-cinq jours courant à compter du 15 juillet 2009 dont il disposait pour procéder à la déclaration de cessation des paiements, cette faute, fût-elle établie, ne pouvait avoir contribué à la naissance d’un passif constitué, selon ses constatations, au plus tard le 21 juillet 2009, le délai de déclaration n’étant pas encore expiré à ce moment, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
La condamnation au titre de l’insuffisance d’actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l’une d’entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation totale de l’arrêt de ce chef ».
Cass. com., 17 juin. 2020, n° 18-11.737, P+B *
 

Immeuble – vente – actif disponible
« Vu les articles L. 631-1 et L. 640-1 du Code de commerce ;
Un immeuble non encore vendu ne constitue pas un actif disponible ;
 
Selon l’arrêt attaqué, que Mme X, avocate, a été mise en liquidation judiciaire le 20 avril 2017, M. Y étant désigné liquidateur ; que Mme X a été mise sous tutelle le 12 octobre 2017, pour une durée de soixante mois, M. Z étant désigné tuteur ; que celui-ci a contesté l’état de cessation des paiements retenu ;
Pour dire n’y avoir lieu à ouverture d’une procédure de liquidation ni de redressement judiciaires, l’arrêt retient que la débitrice est propriétaire d’un appartement dont la locataire a présenté une offre de rachat d’un montant correspondant aux estimations versées aux débats, acceptée par M. Z en sa qualité de tuteur sous condition suspensive de l’approbation du mandataire judiciaire, qui a pris attache avec le tuteur pour être autorisé à vendre le bien et le notaire, et que la locataire a confirmé disposer de plus de la moitié du prix et avoir obtenu un emprunt pour le reste à condition que la vente se fasse rapidement en réitérant à l’audience son intention d’acquérir le bien ;
En statuant ainsi la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cass. com., 17 juin 2020, n° 18-22.747, P+B *
 

Procédure collective – cessation des paiement
« Selon l’arrêt attaqué (Limoges, 13 novembre 2018), le 10 février 2014, un juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de librairie d’une société mise en liquidation judiciaire au profit de M. X "ou de toute personne physique ou morale qui s'y substituerait, dont il resterait solidaire des engagements”. L’entrée en jouissance dans les locaux, appartenant à une société tierce, a été fixée au 11 février 2014. Le même jour, a été créée la société Nouvelle les 3 Epis Brive (la société Nouvelle), dirigée par M. X, ayant pour objet social l'exploitation d'un fonds de commerce de distribution de tous produits culturels et de loisirs, le capital social étant de 4 000 euros. La société Nouvelle a été immatriculée le 10 avril 2014.
Le 1 er avril 2014, le bailleur a délivré à M. X un commandement de payer visant la clause résolutoire, au titre des loyers impayés de mars et avril 2014. Une ordonnance de référé du 10 juillet 2014, confirmée par un arrêt du 5 mars 2015, a constaté la résiliation du bail au 1er mai 2014, ordonné l’expulsion de M. X et condamné celui-là, à titre provisionnel, au montant des loyers impayés du 11 février au 1er mai 2014 et à une indemnité d’occupation.
Par une ordonnance du 26 septembre 2014, sur la demande de M. X, le président du tribunal de commerce a désigné un administrateur ad hoc pour le compte de la société Nouvelle, sur le fondement de l'article L. 611-3 du Code de commerce. Par une déclaration déposée au greffe le 30 octobre 2014, la société Nouvelle, représentée par M. X, a déclaré son état de cessation des paiements. Un jugement du 12 novembre 2014 a mis cette société en liquidation judiciaire, la société A étant désignée en qualité de liquidateur. Un jugement du 17 mai 2016 a reporté la date de cessation des paiements au 1er avril 2014.
Le liquidateur a assigné M. X afin de le voir condamner à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif de la société Nouvelle et à une mesure d’interdiction de gérer.
 
L'article L. 653-8, alinéa 3, du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, applicable aux procédures collectives en cours, exige, pour l'application de la sanction de l'interdiction de gérer, que l'omission de la demande d'ouverture d'une procédure collective dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements ait eu lieu sciemment.
L’arrêt constate, d’abord, que le bailleur a délivré à M. X un commandement de payer visant la clause résolutoire dès le 1er avril 2014, qu’entre les mois de février et octobre 2014, la dette de loyers de la société Nouvelle a augmenté jusqu’à atteindre la somme de 26 428,57 euros, que cette dette a abouti au constat de la résiliation du bail et à l’expulsion par une ordonnance de référé du 10 juillet 2014. Il relève, ensuite, que bien que la date de cessation des paiements ait été reportée au 1er avril 2014, M. X n’a déclaré cette cessation que le 30 octobre 2014 et que l’intéressé a rencontré le “même type de difficultés” pour l'exploitation de fonds de commerce à Bergerac et Bordeaux. L’arrêt retient, enfin, que M. X ne peut invoquer la désignation d'un administrateur ad hoc par une ordonnance du 26 septembre 2014, dès lors que cette désignation avait pour but de rechercher une conciliation entre les différentes parties au vu des difficultés sociales, juridiques et financières que rencontrait la société Nouvelle, et non de faire face à la cessation des paiements, la déclaration de celle-ci étant une obligation légale. Par ces constatations et appréciations, desquelles il ressort que M. X ne pouvait ignorer l’état de cessation des paiements de la société Nouvelle, la cour d’appel, qui a caractérisé que ce dirigeant avait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal, a pu prononcer contre lui une interdiction de gérer.
Le moyen n’est donc pas fondé.
 
Vu l’article L. 651-2 du Code de commerce :
Pour condamner M. X à supporter l’insuffisance d’actif de la société Nouvelle, l’arrêt retient que la rapidité de la cessation des paiements intervenue dès le 1 er avril 2014, seulement un mois et demi après l'entrée en jouissance du 11 février 2014, démontre que cette société ne disposait pas, dès l’origine, de la capacité financière suffisante pour faire face aux échéances de charges inéluctables, telles que les loyers et salaires, et que les apports extérieurs reçus par la société à compter du mois de mai 2014 et jusqu’en décembre 2014, manifestent l’absence de fonds propres et l'insuffisance de la trésorerie de cette société pour faire face aux charges courantes, et ce dès le début de l'exploitation.
En statuant ainsi, alors que l'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas en soi une faute de gestion dont les dirigeants auraient à répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
Cass. com., 17 juin 2020, n° 19-10.341, P+B *
 

Liquidation judiciaire – cessation des paiements – date
« Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er octobre 2018), la société Le Port de la Lune a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 29 janvier 2014 qui a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au jour du jugement. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 26 mars 2014. A la demande du liquidateur, la date de cessation des paiements a été reportée au 15 septembre 2013 par un jugement du 9 septembre 2015, publié au BODACC le 29 septembre 2015. Par déclaration au greffe du 22 décembre 2016, les sociétés Les Ports de Lune, Le Café du Port ainsi que M. et Mme X ont formé tierce opposition au jugement du 9 septembre 2015.
 
Un dirigeant ou un ancien dirigeant, comme un créancier, informés par la publication au BODACC d'un jugement de report de la date de cessation des paiements, qui est susceptible d'avoir une incidence sur leurs droits en application, pour les deux premiers, des dispositions du titre V du livre VI du Code de commerce relatif aux responsabilités et sanctions et, pour le dernier, des articles L. 632-1 et L. 632-2 du même Code, ont, dès la date de publication, un intérêt à former tierce opposition à la décision de report s'ils n'y étaient pas parties.
L'arrêt retient exactement que les sociétés Les Ports de Lune, Le Café du Port ainsi que M. et Mme X, en leurs qualités d'anciens dirigeants et de créanciers de la société débitrice, avaient intérêt à former tierce opposition au jugement de report de la date de cessation des paiements de cette société, dès sa publication au BODACC, le 29 septembre 2015, et que seule cette date, à l'exclusion de celle de la délivrance de l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif, constituait le point de départ du délai de dix jours imparti par l'article R. 661-2 du Code de commerce pour former tierce opposition, lequel était, dès lors, expiré lorsque la tierce opposition a été formée le 22 décembre 2016 ».
Cass. com., 17 juin 2020, n° 18-25.262, P+B *
 

 Redressement judiciaire – sauvegarde – sûreté réelle – préjudice
« Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 24 janvier 2019), la société Fructicomi, devenue Natixis Lease Immo puis BPCE Lease Immo, la société Oséo financement, devenue BPIFrance financement, et la société CM-CIC Lease, qui sont intervenues dans le cadre d'une indivision conventionnelle (les crédits-bailleurs), ont conclu avec la SCI Niodra un contrat de crédit-bail immobilier portant sur un ensemble immobilier, lequel a fait l'objet d'une sous-location au profit de la société Daudin Frutex, société holding de la société Niodra.
En garantie de l'exécution du contrat, la société Daudin Frutex a consenti aux crédits-bailleurs un nantissement sur les parts qu'elle détenait dans le capital de la SCI, cette dernière consentant elle-même à la cession des sous-loyers reçus de la société Daudin Frutex.
Par deux jugements du 7 octobre 2016, la société Niodra a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde et la société Daudin Frutex a été mise en redressement judiciaire, M. X et M. Y étant respectivement désignés mandataire judiciaire et administrateur dans les deux procédures.
Les crédits-bailleurs ont déclaré une créance au passif de la procédure de la société Daudin Frutex. Cette créance a été contestée.
 
D'une part, une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l'obligation d'autrui, le créancier bénéficiaire de la sûreté ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n'est pas son débiteur.
Les crédits-bailleurs n'étant pas créanciers de la société Daudin Frutex, au titre du nantissement, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté leur demande d'admission.
D'autre part, la cession de créance à titre de garantie ne transfère au cessionnaire la propriété que de la créance cédée, soit en l'espèce la créance de sous-loyers, et non celle de la créance garantie, soit en l'espèce la créance de loyers.
La cour d'appel en a exactement retenu que, les crédits-bailleurs n'étant créanciers, au titre de la créance née du contrat de crédit-bail, que de la SCI Niodra, ils n'avaient pas à être admis au passif de la procédure collective de la société Daudin Frutex à ce titre.
Par conséquent, le moyen n'est pas fondé ».
Cass. com., 17 juin 2020, n° 19-13.153, P+B *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 22 juillet 2020.
 
Source : Actualités du droit