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Effet dévolutif de l’appel : attention à bien préciser les chefs du jugement critiqués

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
24/07/2020
L’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement critiqués expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. En dehors de cette hypothèse, la Cour de cassation vient de rappeler, dans un arrêt du 2 juillet 2020, l’importance de bien préciser les chefs du jugement critiqués.
Après un jugement ayant condamné une société à payer une certaine somme à une autre, cette dernière interjette appel. La première soutient que la cour d’appel n’était saisie d’aucune demande, faute pour l’appelante d’avoir indiqué dans la déclaration d’appel les chefs du jugement critiqués.
 
La cour d’appel constate que la déclaration d’appel se borne « à solliciter la réformation et/ou l’annulation de la décision sur les chefs qu’elle énumérait et que l’énumération ne comportait que l’énoncé des demandes formulées devant le premier juge ». Et en déduit qu’elle n’était saisie d’aucun chef du dispositif du jugement.
 
Concrètement, l’appelant avait fait figurer dans sa déclaration d’appel les termes suivants : « réformation et/ou annulation de la décision sur les chefs suivants : appel aux fins de voir : - prononcer le sursis à statuer - débouter la SA Siloge de toutes ses demandes - constater que les PV de réception ont été établis le 2 mars 2012 - prononcer la réception judiciaire du chantier au 2 mars 2012 - condamner la SA Siloge à transmettre les PV datés du 2 mars 2012, sous astreinte - constater que la SA Siloge reconnaît devoir 95 452,08 euros - écarter toute compensation - ordonner la consignation sous astreinte de 132 000 euros ».
 
La société appelante forme un pourvoi en cassation. Elle conteste le fait que l’arrêt de la cour d’appel ait constaté l’absence d’effet dévolutif de l’appel.
 
La Cour de cassation rejette son pourvoi dans un arrêt du  2 juillet 2020 et valide la position de la cour d’appel. Elle rappelle que l’article 562 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 (v. Réforme de la procédure d’appel : les évolutions de la procédure à bref délai, Actualités du droit, 3 mai 2017) prévoit que « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible ».
 
Conclusion : « seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement ». Ainsi, si la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans faire mention des chefs de jugements qui sont critiqués, l’effet dévolutif ne peut opérer même si la nullité de la déclaration d’appel n’a pas été sollicitée par l’intimé. Avec cette conséquence que « lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d’appel n’aurait pas été sollicitée par l’intimé ».
 
La Haute juridiction précise néanmoins que « la déclaration d’appel affectée d’une irrégularité, en ce qu’elle ne mentionne pas les chefs du jugement attaqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1er, du Code de procédure civile ».
 
Et au sujet du grief d’atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge, la Cour tient à souligner que ces règles qui encadrent les conditions d’exercice du droit d’appel « sont dépourvues d’ambiguïté et concourent à une bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique de cette procédure ». Aucune atteinte n’est donc portée à la substance du droit d’accès au juge d’appel.
 
Rappelons que dans un arrêt du 30 janvier 2020 (Cass. 2e civ., 30 janv. 2020, n° 18-22.528) la Cour de cassation avait déjà jugé que les chefs critiqués du jugement doivent figurer dans l’acte d’appel et que la régularisation pouvait être faite par une nouvelle déclaration d’appel.
 
 
 
Source : Actualités du droit