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Droit économique et financier : de la transposition dans l’air

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19/02/2020
Le 12 février 2020, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière a été déposé au Sénat. Au programme, de nombreuses mesures de transposition de directives ou d’adaptation du droit national à des règlements de l’Union européenne. Tour d'horizon des 21 articles de ce texte.
Ce projet de loi a pour objectif principal de mettre le droit national en conformité avec plusieurs textes de l’Union européenne. Droit de la consommation, règlementation financière et douanière, santé animale, etc. De nombreux domaines sont concernés. 

L’exposé des motifs souligne qu’il « s’agit de réformes essentielles pour consolider le marché intérieur, notamment par des mesures d’harmonisation visant à promouvoir les intérêts des consommateurs et assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, et le système financier européen ».
 
 
Un renforcement de la protection des consommateurs             
 Habilitation du gouvernement à prendre par ordonnance des mesures nécessaires à la transposition des deux textes suivants :
  • la directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques ;
  • la directive (UE) 2019/771 du 20 mai 2019 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens.
Comme le précise l’exposé des motifs, la première de ces directives concerne « les données produites et fournies sous forme numérique (par exemple de la musique, des vidéos en ligne, etc.), les services permettant de créer, traiter ou stocker des données sous forme numérique (par exemple le stockage dans le nuage), les services de partage de données ainsi que tout support durable utilisé exclusivement pour transporter un contenu numérique (par exemple, les DVD) ».

La seconde directive, pour sa part, « reprend pour l’essentiel les règles relatives à la garantie légale de conformité des biens fixées par la directive 99/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation et les enrichit en ce qui concerne les biens intégrant des éléments numériques ». Principal apport de ce texte, la possibilité offerte au consommateur, en cas de révélation d’un défaut de conformité d’un bien, de disposer d’un droit au remplacement ou à la réparation de ce dernier. Si la mise en œuvre de ces dispositifs s’avère impossible, le consommateur peut bénéficier d’une réduction du prix du bien voire obtenir la résolution du contrat, pendant une durée minimale de deux ans (article 1).
 
– Habilitation du gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires à la transposition du texte suivant : la directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019. Concrètement, il s’agit d’introduire dans le Code de la consommation des mesures poursuivant, notamment, les objectifs suivants :
  • lutter plus efficacement contre la différence de qualité des produits de consommation au sein de l’Union européenne vendus sous une même marque par un aménagement des règles interdisant les pratiques commerciales trompeuses ;
  • homogénéiser et renforcer les sanctions pour des infractions affectant plusieurs États membres et de nombreux consommateurs ;
  • permettre aux États membres de porter à trente jours le délai de rétractation pour certains contrats conclus hors établissements (article 2).


– Mise en conformité du droit interne avec le règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur. Outre la création d’un régime de sanctions administratives visant ces pratiques, cet article octroie des habilitations aux agents de la concurrence, de la consommation ainsi que de la répression des fraudes (article 3).
 
– Introduction dans le Code de la consommation de mesures visant à lutter contre le blocage géographique injustifié subit par les consommateurs en raison de leur lieu de résidence, en particulier ceux qui résident dans les territoires ultra-marins, de la part de professionnels qui sont installés en métropole (article 4).
 
– Adaptation du Code de la consommation au règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs. Celui-ci a pour objectif de répondre « aux lacunes observées dans la lutte contre les infractions transfrontières commises sur le territoire de l’Union européenne et contribue à plus grande effectivité de la législation en matière de protection des consommateur » (article 5).
 
Mesures relatives à la surveillance du marché et à la conformité des produits
 
– Adaptation du Code de la consommation au règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché. Cet article permet, notamment, aux autorités compétentes d’effectuer les inspections nécessaires « sur place et d’être habilitées à accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport que l'opérateur économique utilise à des fins liées à son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » (article 6).
 
Lutte accrue contre les pratiques commerciales déloyales
 
– Habilitation du gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures pour :
  • transposer la directive (UE) 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire ;
  • mettre en œuvre le règlement (UE) 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne.

La directive vient protéger les fournisseurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire des pratiques abusives. Sont visées les pratiques commerciales déloyales entre acheteurs et fournisseurs de produits alimentaires ou agricoles.

Pour sa part, le règlement (UE) 2019/1150 concerne les services d’intermédiation en ligne et les moteurs de recherche en lignes « fournis ou proposés aux entreprises utilisatrices dont le lieu d’établissement ou de résidence se situe dans l’Union, et qui proposent des biens ou services à des consommateurs situés dans l’Union, quel que soit le lieu d’établissement ou de résidence des fournisseurs de ces services et quel que soit par ailleurs le droit applicable » (article 7).
 
Dispositions fiscales et douanières

– Adaptation du Code des douanes au règlement (UE) n° 2015/1525 du Parlement Européen et du Conseil du 9 septembre 2015. Le projet de loi vient créer un nouveau cas d’amende de première classe à l’article 410 du Code des douanes (v. angle douanier du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, Actualités du droit, 14 févr. 2020) (article 8). 

– Adaptation du Code général des impôts et du Code rural et de la pêche maritime au règlement délégué 2018/273 de la Commission du 11 décembre 2017 portant sur l'autorisation de plantations de vigne. Par-là, ce projet de loi viendrait sécuriser les procédures de déclaration qu’exige le droit de l’Union ainsi que les dispositifs de sanctions encourues en cas de manquement à ces obligations déclaratives ou aux règles qui régissent la gestion du foncier vitivinicole (article 9). 
 
– Mise en conformité des articles 86 à 94 du Code des douanes avec l’article 18 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le Code des douanes de l’Union (CDU). Celui-ci permet à toute personne d’accomplir des formalités ou des actes liés à la règlementation douanière en représentation directe ou indirecte (article 10).
 
– Adaptation du Code monétaire et financier au règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou qui en sort (v. angle douanier du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, Actualités du droit, 14 févr. 2020) (article 11).
 
 
Des mesures financières
– Habilitation du gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires à la mise en œuvre de la directive UE 2019/2162 du Parlement européen et du Conseil concernant l'émission des obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties. L’exposé des motifs précise à cet égard que « des modifications législatives, portant sur les règles essentielles des obligations garanties, sont nécessaires pour amender à la marge le Code monétaire et financier, le droit français étant en grande partie conforme aux dispositions de cette directive qui, par ailleurs, a vocation à réaliser une harmonisation minimale » (article 12).

– Habilitation du gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2019/2034 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d’investissement. Pour mémoire, les entreprises d’investissement sont agréées par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour accomplir diverses activités financières (article 13).

– Habilitation du gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour transposer la directive (UE) 2019/1160 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 modifiant les directives 2009/65/CE et 2011/61/UE en ce qui concerne la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif (article 14).
 
– Modification du A du III de l’article 200 de la loi Pacte permettant au gouvernement de prendre par ordonnance  (L. n° 2019-486, 22 mai 2019, JO 23 mai) les « dispositions de transposition de directive n° 2019/878 du 20 mai 2019 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres, et de la directive n° 2019/879 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2014/59/UE en ce qui concerne la capacité d’absorption des pertes et de recapitalisation des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et la directive 98/26/CE ». Une modification qui a vocation à sécuriser le champ de l’habilitation par « la mention de la référence au numéro du texte désormais publié des directives au Journal officiel de l’Union européenne » (article 15).
 
– Rétablissement de l’interdiction des clauses prohibant la cession de créance. Une interdiction levée par l’ordonnance du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du Code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées. Un changement de cap justifié ainsi : « Il est apparu postérieurement à l’entrée en vigueur de cette ordonnance que la disposition supprimée revêtait une importance pour les établissements du secteur financier opérant des cessions de créances, dans le cadre d’opérations de refinancement ou de crédit dans lesquelles la cession intervient à titre de garantie » (article 16).
 
Une volonté d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur
– Précisions apportées concernant les obligations de transparence en matière d’aides d’État. Concrètement, il s’agit de permettre à la DGFIP et à la DGDDI de se conformer à leurs obligations en la matière, en les libérant du secret professionnel. Il est précisé par l’exposé des motifs que « l’obligation de secret professionnel en matière fiscale peut actuellement faire obstacle à la transmission de toute information recueillie par l’administration fiscale dans le cadre des opérations d’assiette, de contrôle, de recouvrement ou de contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au Code général des impôts, sauf dans les cas prévus par la loi ou lorsque les normes européennes en matière de transparence sont d’effet direct » (article 17).

– Adaptation du Code rural et de la pêche maritime au règlement (UE) n° 2016/1012 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 relatif aux conditions zootechniques et généalogiques applicables à l'élevage, aux échanges et à l'entrée dans l'Union de reproducteurs de race pure, de reproducteurs porcins hybrides et de leurs produits germinaux (RZUE) (article 18).

– Habilitation du gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant d’adapter le Code rural et de la pêche maritime au règlement (UE) 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles. Un texte qui fixe des règles générales et spécifiques concernant la prévention et la lutte contre les maladies animales transmissibles. Comme le précise l’exposé des motifs, « il abroge une trentaine de directives et règlements existants et nécessite de ce fait une révision de la partie législative du Code rural et de la pêche maritime, notamment de son livre II » (article 19).

– Modification de dispositions du Code de l’énergie en supprimant le qualificatif d’entité centrale de stockage attribué à la société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS) (article 20).
 
Lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
– Habilitation du gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour transposer la directive 2019/1153 fixant les règles facilitant l'utilisation d'informations financières et d'une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière (article 21).
  
 
Un texte qui fait l'objet d’une procédure accélérée.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Source : Actualités du droit